EFFETS DU STRETCHING POSTURAL® SUR LE CONTRÔLE POSTURAL

Lionel Barbier, Posturologue-Podologue, Formateur en Stretching Postural*

Maurice Ouaknine, Ingénieur de recherche Laboratoire d'Audio-Phonologie Clinique Université de la Méditerranée. CHU Timone. Marseille

Dr Philippe Dupui, Service d'explorations sensorielles et motrices. CHU Toulouse-Rangueil. Toulouse

Dr Richard Montoya, Service d'explorations sensorielles et motrices. CHU Toulouse-Rangueil. Toulouse

Le Stretching Postural® est une technique corporelle pendant laquelle le sujet se conforme à des actions musculaires statiques progressives et maîtrisées, guidé graduellement de bout en bout par un enseignant. Chaque exercice est nommé posture dans le sens où il n'existe pas de mouvement volontaire. La conception d'une posture suit des règles précises et rigoureuses dès le placement du corps dans la position initiale.
Le Stretching Postural® est "non-dynamique", il précède et prépare le mouvement en agissant, tout particulièrement, sur la musculature posturale. Cette technique s'applique à permettre toute forme de facilitation du tonus postural, et sa définition originelle est : "Un ensemble de postures d'auto-étirement et de techniques respiratoires dont le but est de favoriser une régulation tonique grâce à des contractions musculaires profondes". Les postures sont de deux types : les "stretchs toniques" et les "stretchs lourds". Tous les stretchs s'effectuent à l'aide d'une respiration appropriée appelée "petite respiration". Entre chaque posture, une "grande respiration" est réalisée pour augmenter le processus énergétique.
Certaines clés différencient le Stretching Postural® des autres techniques corporelles. Ces clés sont dépendantes les unes des autres dans la progression de l'action musculaire et en font un ensemble indissociable.

La posture tonique ou lourde met en jeu l'ensemble du corps et de l'esprit avec une sollicitation plus importante en tonicité ou en étirement.
Pour le stretch tonique, le travail est généralement obtenu par une construction musculaire dont le point de départ se situe aux extrémités des membres supérieurs ou inférieurs. L'organisme est, alors, concerné dans son ensemble. La chronologie des contractions musculaires et de la maîtrise des étirements tend à respecter la loi d'Henneman grâce à la rigueur du placement et du travail musculaire demandé. Les actions contractiles ont pour but de créer un travail isométrique sans modification d'attitude. Nous avons remarqué, cliniquement, que l'atout du stretch tonique est de rééquilibrer, à terme, tonicité, agilité et mobilité.

Le stretch lourd, lui, met le corps dans une situation de relâchement et de vigilance. Il peut s'effectuer debout ou assis. Sa finalité est d'obtenir un étirement d'une partie du corps grâce à une autre partie corporelle totalement relâchée. Il ne se produit pas de contraction musculaire sauf le strict minimum pour maintenir la position.
Durant chaque posture, une respiration spécifique est utilisée de manière à créer un rythme respiratoire de faible amplitude. Cette petite respiration nous paraît être la plus appropriée dans un travail postural comme celui de notre méthode. Elle évite l'essoufflement et, d'après les recherches cliniques réalisées, le diaphragme y aurait un rôle mineur par rapport aux muscles intercostaux. Par ailleurs, la régularité de son rythme impliquerait une vigilance accrue pendant les postures toniques ou lourdes.
Après chaque posture, il a été établit d'exécuter une "grande respiration" dont le déroulement engendre une contraction optimale du diaphragme par une inspiration longue et intense accompagnée d'une gestuelle visant à accroître le volume de réserve inspiratoire. L'expiration qui suit est un relâchement bref du volume inspiré. Toute posture est guidée par un enseignant, étape par étape, ce qui met le sujet dans un état de motivation supérieure à une pratique faite isolément.
Un cours de Stretching Postural® est construit les yeux toujours ouverts. Selon une procédure régulière, un stretch tonique debout débute le cours suivi par un tonique le dos à l'horizontal puis un stretch lourd debout. Deux stretchs toniques s'enchaînent assis et allongés pour finir par un stretch lourd assis. Toutes les postures sont répétées trois fois lorsqu'elles sont symétriques, ou quatre fois pour les asymétriques. Vient en toute fin de séance, le stretch final, réalisé une fois, qui n'est qu'un étirement global du corps.
La technique est intimement liée à la notion de perception du corps et au ressenti de l'activité musculaire.' Cliniquement, les participants aux différents cours évoquent une stabilité plus performante, une sensation de mobilité accrue et une diminution des douleurs. Pour l'instabilité, la stabilométrie statique et dynamique permet de définir de façon objective la projection au sol des excursions du centre de masse. Certains paramètres courants liés aux variations d'équilibre paraissent plus sensibles à la stabilométrie dynamique qu'en stabilométrie statique. La significativité statistique a été obtenue sur l'analyse des excursions du centre de pression observées sur le plateau orienté en position frontale.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

MATERIEL UTILISE

Les sabots dynamométriques sont composés de deux plate-formes de force jumelles sur lesquelles le sujet se place en station orthostatique sur sol stable et fixe. Chaque sabot est constitué de deux zones d'appuis distinctes : une sous l'avant-pied et une seconde sous l'arrière-pied avec quatre pesons par zone. Placés selon les normes AFP 85 à 30° de rotation externe, l'usage de sabots dynamométriques (Ouaknine 2000, 2002) indique comment se répartissent les appuis au sol sur chaque avant-pied et sur chaque talon. Nous avons examiné les répartitions de forces, uni-modales et bipodales. Le temps de chaque enregistrement est de 51,2 secondes.
Sur support oscillant (Type plateau de Bessou), le sujet est placé sur les sabots pieds parallèles, écartés de 40 millimètres. La direction des oscillations du plateau peut être choisie, à la demande dans le plan frontal ou sagittal. Cependant le temps d'enregistrement est ramené à 25,6 secondes, comme il est convenu habituellement lors d'un enregistrement dynamique.

SUJETS

Les sujets concernés par cette étude se sont portés volontaires et ont respecté un temps de repos de 5 minutes avant le premier enregistrement. La population de 35 adultes sains est répartie en 7 hommes (20%) et 28 femmes (80%). La moyenne d'âge est de 56 ans dont 21 ans pour le plus jeune de la cohorte et 83 pour le sujet féminin le plus âgé.

PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL

II a respecté les recommandations définies par les normes 85, dans les conditions statiques. Le sujet, après une période de repos de 5 minutes, se tient debout sur les sabots dynamométriques, les jambes tendues et les bras pendants immobiles. Son regard est fixé sur une cible située à 1 mètre de distance à hauteur des yeux. Les talons sont écartés de 3 cm et situés au milieu de la largeur d'appui de chaque sabot, les pieds ouverts à 30°, sans chaussure. La structure des sabots est telle que les informations d'appuis au sol ne dépendent pas de façon critique du positionnement des pieds sur ces sabots. La population a été comparée avant et après une séance de Stretching Postural®.
La consigne est "Regardez devant vous en fixant la cible, sans bouger ni vous raidir" (condition les yeux ouverts : YO). Dans la condition les yeux fermés (YF), la consigne est "Tenez-vous debout normalement, sans bouger ni vous raidir et fermez les yeux". Dans cette condition, le début de l'enregistrement est postérieur de 5 secondes à la fermeture des yeux. Ces deux séquences se déroulent pendant 51,2 secondes chacune, le sujet ne quittant pas les sabots entre les deux.
Ensuite les sabots sont retirés de leur socle puis placés sur le plateau oscillant, plateau dynamique. Les cales placent les sabots parallèlement écartés de 40 mm. Pour commencer, le plateau est installé de telle sorte que l'instabilité soit frontale. Le temps d'acquisition est de 25,6 sec. Le sujet monte debout sur les sabots, les pieds parallèles, les jambes tendues et les bras pendants et relâchés. Le premier enregistrement est fait les yeux ouverts, le deuxième les yeux fermés sans quitter le plateau. Pour les yeux fermés, l'enregistrement débute 5 secondes après la fermeture des yeux. Dans les deux conditions YO et YF, les consignes sont identiques aux enregistrements faits en statique.
Le sujet descend du plateau et l'opérateur change le sens des oscillations. L'instabilité du support mobile devient alors sagittale. Deux enregistrements sont effectués dans le même ordre et même consignes : les yeux ouverts puis les yeux fermés.
Dès la fin des prises de mesures, le cours de Stretching Postural® commence. Durant une heure, le sujet pratique des postures selon une procédure régulière : deux stretchs toniques (un debout puis un en dos horizontal), un stretch lourd (debout), deux stretchs toniques (un assis et un allongé), un stretch lourd assis.
La fin du cours est ponctuée par un stretch final (étirement global).
Dès la fin du cours de Stretching Postural®, l'opérateur enregistre à nouveau le sujet dans le même ordre et les mêmes conditions, tant lumineuses que sonores. Les acquisitions sont alors en statique YO et YF, sur plateau oscillant latéralement YO et YF puis sur le plateau oscillant sagitallement YO et YF. La significativité des différences a été appréciée par les moyens classiques de la statistique (programmes Systat® et StatView®).

RÉSULTATS

Pour la cohorte étudiée avant et après le cours de Stretching Postural® dans la condition sol immobile, aucune différence significative n'a été observée. Nous pouvons remarquer, cependant, une propension à la réduction de certaines valeurs en situation yeux fermés si nous examinons la statistique descriptive de base.
Yeux FermésAvantAprès
Surface202 mm2189 mm2
Xmoyen1.6 mm0.3 mm

En effet, la moyenne de la surface du statokinésigramme (tracé de l'ensemble des oscillations) tend à régresser après par rapport à l'enregistrement initial. Le deuxième élément caractéristique est le recentrage du statokinésigramme dans le plan frontal. Si le nombre d'enregistrements avait été plus élevé, il eût été intéressant de corréler ces deux paramètres. L'évolution de ces deux valeurs aurait pu nous orienter vers une interprétation d'une meilleure stabilité des oscillations avec une répartition droite/gauche proche de 0.

Une deuxième valeur a retenu notre attention en situation dynamique. En effet, les sabots dynamométriques donnent une mesure du travail de chaque soléaire, elle est nommée Variance de la Vitesse (Var. Vit.). Un rapport droit-gauche de cette valeur est également effectué afin d'analyser l'existence d'une asymétrie. Il apparaît que, sur le plateau instable, ce paramètre tend à diminuer après un cours. Le Stretching Postural® rétablirait ainsi une certaine symétrie d'activité musculaire régulatrice de l'instabilité.

Par contre, nous avons noté des différences significatives dans la condition dynamique, avec l'orientation du plateau dynamique sensibilisé en frontal, en condition les yeux ouverts (YO) pour les paramètres suivants :

ParamètreAvantAprèsP
LFS0.8700.7530.024
Vitesse moyenne18.59415.3530.038
Variance de la Vitesse178.559112.4880.035
Longueur476.083393.0970.038
Le tableau I résume les observations faites dans la condition yeux ouverts (YO)

Un rapport (LFS) est établi entre la longueur du tracé et la surface des oscillations. Il montre une amélioration de cette valeur et donc une réduction de la dépense d'énergie. La Vitesse Moyenne des excursions est également significativement réduite, et répond ainsi de la même façon. Le travail nécessaire pour maintenir le corps en équilibre a baissé.
La Variance de la Vitesse est un témoin de l'activité tricipitale, et plus exactement de la raideur des muscles soléaires. Cette réduction significative (p < 0,05) montre une activité tonique inférieure après une séance de Stretching Postural® qu'avant. Enfin, la longueur du statokinésigramme est plus courte.

Dans un second temps, nous observons dans la condition yeux fermés (YF) les résultats donnés pour la cohorte examinée sur le plateau dynamique en instabilité frontale.

ParamètreAvantAprèsP
Variance de la Vitesse940.745650.0820.070
ANO2X33.82125.6000.003
Le tableau II résume les observations faites dans la condition yeux fermés (YF)

La Variance de la Vitesse, révélatrice de l'activité tonique du triceps sural, baisse de façon importante puisqu'elle passe de 940 à 650 soit 40% de diminution. Cette réduction n'est cependant pas significative (p= 0,07 > 0,05). La significativité eut été certainement obtenue avec un effectif plus important.
Le paramètre ANO2X qui rend compte de la bonne synergie posturo-ventilatoire est réduit de façon significative. Cette réduction montre une meilleure synergie musculaire s'agissant de l'interaction des mouvements ventilatoires et des oscillations posturales.

Les constats suivants ont porté sur la condition yeux ouverts (YO) avec le plateau instable en sensibilisation sagittale.

ParamètreAvantAprèsP
ECARTY5.5694.6300.032
Variance de la Vitesse165.3701 12.7220.050
Distance Moyenne6.7785.8640.036
Surface284.642224.0650.068
Vitesse Ins. Moy.22.41419.0390.061
Longueur482.280412.3800.076
Le tableau III résume les observations faites dans la condition yeux ouverts (YO)

Toutes ces valeurs, ci-dessus, indiquent que, après une séance de Stretching Postural® : les amplitudes moyennes des oscillations dans le plan sagittales sont plus petites après un cours, la raideur musculaire soléaire est diminuée, la surface et la longueur des oscillations ont une propension à régresser.

Ces observations font percevoir une meilleure stabilité et un meilleur contrôle postural dans la condition dynamique. Cependant, certaines valeurs (en italique) sont quasi significatives et appellent les mêmes commentaires et réserves quant à la taille de l'effectif concerné.
Nous avons également porté notre attention sur une étude globale par test ANOVA et avons noté une significativité de la modification du paramètre mettant en évidence l'activité des soléaires dans toutes les conditions cumulées.
Une réduction de la variance de la vitesse s'affirme dans les conditions yeux ouverts et fermés avec une orientation frontale du plateau. La prise en compte des trois variables Vision (yeux ouverts / yeux fermés), Période (avant / après), Sens (frontal / sagittal) révèle une amélioration significative montrant une activité des muscles soléaires en nette diminution après un cours de Stretching Postural®.
Selon la prise en compte de plusieurs conditions, nous nous apercevons que cette valeur est en général dans le sens de l'amélioration de la stabilité et de la dépense d'énergie.

DISCUSSION

Au vu des résultats, il semble que l'action du Stretching Postural® sur certains paramètres comme la variance de la vitesse et de la réduction de la surface des oscillations indique un meilleur contrôle des muscles posturaux et de la régulation posturale.

Curieusement ces réductions ne s'observent significativement que sur le plateau dynamique. L'utilisation de ce plateau met en exergue l'entrée labyrinthique et l'efficacité du contrôle vestibulo-spinal. Il est à noter que, comme l'école australienne l'a montré (Fitzpatrick et al.), l'abaissement du seuil de détection de l'entrée proprioceptive est obtenu par raidissement des muscles posturaux.
Dans le cas qui nous intéresse, on a à la fois un abaissement de l'activité tonique posturale observée et une meilleure stabilité. Malgré cette contradiction, le Stretching Postural® semble améliorer le contrôle postural des déséquilibres engendrés par le plateau instable et avère ainsi une efficacité posturale plus performante tout en abaissant le niveau moyen du tonus postural. Il en résulte une meilleure gestion de l'énergie.
Le travail pour déplacer la masse est également réduit (Longueur du statokinésigramme). L'amélioration du paramètre ANO2X montre une plus grande, indépendance des mouvements ventilatoires sur les actions musculaires et, en l'espèce, un meilleur maintien de l'équilibre instable.
Ces déductions s'appliquent dans les deux conditions yeux ouverts et yeux fermés, notamment dans le plan frontal.

En conclusion il est à noter que le Stretching Postural® a un effet bénéfique dans le contrôle postural. En effet, cette première étude montre l'intérêt de la technique dans la gestion de l'équilibre dans une situation de stabilité (sur socle fixe) mais éminemment plus significative dans les conditions d'instabilité (sur plateau instable). Paradoxalement à ce qui a déjà été montré, le Stretching Postural® permet d'exiber un système d'équilibration de meilleure qualité tout en dépensant moins d'énergie avec une coordination respiratoire améliorée.

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